Résumés textes de B. Niane

 

 

1. Dénoncer ou déconstruire : De la mise à mort symbolique dans l’espace politico intellectuel sénégalais

Le mouvement de contestation du pouvoir colonial français au Sénégal initié à partir de 1935 par l'élite intellectuelle indigène a certes abouti, après sa mutation en un mouvement politique, à l'indépendance en 1960. Mais ici, le discours 'nationaliste', les revendications culturelles et politiques de l'élite indigène cachent mal une stratégie de simple dénonciation dont l'objectif ultime reste une ascension dans un champ de pouvoir modélisé par une doxa non indigène, traversé notamment par la "guerre froide" entre les "deux blocs".

Les différentes fractions en concurrence au niveau de l'élite locale vont installer une logique de dénonciation de l'alter ego, présenté comme étant "à la solde" de puissance étrangère dont les intérêts sont assez différents de ceux du pays. La revendication à outrance du patriciat est comme la valeur suprême de référence.

Plusieurs décennies après l’indépendance, de tels handicaps et ambivalences persistent. La posture « dénonciatrice » semble comme un déterminant des discours et caractérisations dès qu’il s’agit d’un alter ego sénégalais. Par contre, vis-à-vis d’un acteur, d’une situation hors pays, ou dans le quotidien social de ces membres de l’élite politico intellectuelle, l’argumentaire devient différencié, obéit à une autre logique fondée essentiellement sur un travail de déconstruction.

 

 

2. Du gouvernement des ONG au Sénégal (2003). Etat et acteurs émergents en Afrique, Paris, Karthala, pp. 87-108

A partir des années 1975, les ONG ont connu au Sénégal, comme dans maints pays en voie de développement, une croissance exponentielle tant du point de vue quantitatif que du point de vue des domaines couverts. De plus en plus, elles interviennent, avec ou à côté des services gouvernementaux. Puisque cette période correspond sensiblement à ce que certains ont appelé la ‘fin de l’Etat providence’ en prononçant le verdict de ‘défaillance’ de l’Etat central, se pose nécessairement la question des nouveaux pouvoirs octroyés ou acquis par les ONG ainsi que de leur rapport à l’Etat d’autant que dans la dynamique de réorientation des politiques de coopération avec les pays en voie de développement, les premières semblent en voie d’être pré positionnées comme agences d’exécution des programmes d’aide bilatérale ou multilatérale. Autrement dit, les ONG ne peuvent-elles pas s’autoproclamer ou être utilisées  comme contre pouvoir fortement présent, et mieux être imposées par les grands organismes de coopération bilatérale ou multilatérale en tant qu’alternative beaucoup plus crédible que les services étatiques jusque là chargés de la définition, de l’exécution des programmes socio-économiques ?

 

 

3. Permissivité d’un espace de formation : le cas de l’Université de Dakar (2000). The Dilemna of Post-Colonial Universities, IFRA/ABB Ibadan, pp. 301-315

La lutte d’influence entre institutions nationales et transnationales demeure un processus relativement complexe. Des segments nationaux développent des stratégies qui finissent de contribuer à un déclassement de l’Université sénégalaise qui semble accuser un retard stratégique. De nouvelles formes d’organisations (associations villageoises en particulier) sont en voie de supplanter les associations classiques d’étudiants. Ces dernières ne sont pas les seules à s’accommoder d’une sorte de déviance dont le paradigme serait l’informel. A cela s’ajoute la place de plus en plus prépondérante qu’occupent les instituts privés dans l’espace de formation supérieure. 

 

 

4. Les écoles de gestion au Sénégal ? (1998). Information sur les sciences sociales, vol. 37, n°1, pp.183-187, Londres, SAGE Publications (Table ronde colloque sur « Les écoles de gestion et la formation des élites)

Au lieu d’une internationalisation qui suppose des échanges, des influences réciproques, le processus de transnationalisation de Ecoles de gestion postule plutôt un dépassement des nations et la promotion de nouvelles valeurs et postures pour réussir dans un espace fortement homogénéisé : i) une partie du cursus universitaire effectuée à l’étranger notamment en Amérique du nord ; ii) la variabilité ou la capacité et la rapidité d’adaptation et de changement professionnels ; iii) l’aptitude à la forte concurrence. Sous ce rapport, les différentes générations d’Ecoles de gestion au Sénégal sont une illustration d’un espace éclaté, hybride sous le contrôle, d’une ‘nébuleuse’ imposée et façonnée en douceur par une dernière instance que sont les ‘méta états’.

 

 

5. De la facticité d’un pouvoir. L’alternative à l’Etat central (1997). Formation des élites et culture transnationale, Paris/Uppsala, CSE/EHESS – SEC, ILU, pp. 271-282

Comment lire et comprendre le processus de décentralisation par transfert de nouvelles compétences aux Collectivités locales, consacré par la loi votée par le parlement sénégalais en janvier 1997 ? Les nouveaux promus disposent-ils réellement de pouvoir ? Ont-ils d’ailleurs les capacités requises pour l’exercice d’un tel pouvoir qu’ils n’ont pas demandé et qui leur est octroyé par une Administration jusque là très jacobine ? Les agents des institutions méta étatiques qui ont enclenché ce processus de restructuration, ne peuvent dès lors que rester maîtres d’un jeu dont ils ont établi les règles grâce notamment à leur sens de l’anticipation et de l’assimilation.

 

 

6. L’élite sénégalaise face à l’international (1995). Les élites – Formation, reconversion, internationalisation, Paris / Stockholm, CSE- SEC, pp.193-202

Le mouvement de contestation du pouvoir colonial français au Sénégal initié à partir de 1935 par l'élite intellectuelle indigène a certes abouti, après sa mutation en un mouvement politique, à l'indépendance en 1960. Mais ici, le discours 'nationaliste', les revendications culturelles et politiques de l'élite indigène cachent mal une stratégie de simple dénonciation dont l'objectif ultime reste une ascension dans un champ de pouvoir modélisé par une doxa non indigène, traversé notamment par la "guerre froide" entre les "deux blocs". Et l’histoire sociale des différentes générations de l’élite politico intellectuelle sénégalaise révèle dans une large mesure une sorte d’invariant : une relative incapacité à promouvoir une identité véritablement nationale car ladite élite est restée arrimée à une exogénéité handicapante. 

 

 

7. Le transnational, signe d’excellence – Le processus de disqualification de l’Etat sénégalais dans la formation  des cadres (1992).  Actes de la Recherche  en Sciences sociales, n° 95, pp. 13-25, Paris, Maison des Sciences de  l’Homme/ Collège de France / Ecole des Hautes Etudes en  Sciences sociales, Editions du Seuil

A partir de l’exemple du Sénégal où la restructuration du champ du pouvoir s’opère avec une prédominance de plus en plus marquée du pôle techno économique, sont analysés les mécanismes en œuvre dans le processus de disqualification de l’Etat national dans la définition du profil des hauts cadres administratifs, au profit des ‘méta états’ qui promeuvent et contrôlent fortement l’homogénéisation de l’espace politico-économique mondial. Dans ce processus qui suppose l’internationalisation du marché scolaire, les cadres nationaux, qui disposent d’un ‘capital international’ et défendent dans les sphères étatiques la logique du transnational, sont en voie d’être les véritables décideurs, même s’ils n’ont pas le statut de dirigeant.

 

 

8. Des énarques aux managers – Notes sur les mécanismes de promotion au

Sénégal (1991). Actes de la Recherche  en Sciences sociales, n° 86/87 p. 44-57,

Paris, Maison des Sciences de l’Homme/ Collège de France / Ecole des

Hautes Etudes en  Sciences sociales, Editions Minuit

La troisième génération de l’élite politico administrative sénégalaise, constituée pour l’essentiel d’ingénieurs, de gestionnaires, de ‘managers’, est en voie de dominer le champ du pouvoir au détriment des énarques qui avaient supplanté les instituteurs, élite qui s’était imposée de 1945-47 jusqu’en 1962-63 malgré  la politique suivie par l’administration coloniale française qui visait à empêcher la promotion du personnel autochtone. Avec la restructuration du système d’enseignement et de formation à partir de 1995, les enseignants perdront peu à peu cette position privilégiée faute d’avoir compris suffisamment tôt les mutations en cours à l’époque. Les énarques, jusqu’en 1970, ont dominé les hautes sphères de l’Etat avant de s’investir dans la politique au sein du parti socialiste au pouvoir depuis l’indépendance en 1960. A partir des années 80 , leur position dominante dans le champ du pouvoir sera remise en question par les ‘managers’ qui sont essentiellement des ‘techno économistes’ encore dépourvus d’un véritable pouvoir politico administratif. Pour acquérir ce pouvoir, ces managers ne manqueront sans doute pas de s’appuyer, tout comme leurs prédécesseurs mais en les adaptant au ‘monde des affaires’, sur certaines valeurs et pratiques de la société traditionnelle indigène telles que la solidarité familiale ou ethnique, les exigences du ‘commerce de l’honneur et de la dignité’, la recherche de l’appui de personnalités traditionnelles et/ou religieuses, etc.